Un roman russe
Pimprenelle proposant la découverte de cet auteur qui m'était encore inconnu, c'est un peu au jugé que j'ai choisi cet ouvrage, misant davantage sur le côté russe que sur celui du roman.
Et voilà un livre qui m'a laissée perplexe, avec un avis nettement partagé. Un roman ? pas vraiment, puisqu'il s'agit ici d'une œuvre largement autobiographique. Russe ? en partie seulement. Ayant déjà lu les œuvres de maman Carrère d'Encausse, qui a une belle plume, et n'ayant entendu que louanges sur les écrits du fils, cette lecture m'a déçue. La quatrième de couverture laisse espérer une "quête des origines" russes de l'auteur, un carnet de bord, servis par une écriture complexe. Et le lecteur se trouve face à un livre bricolé à partir de deux éléments majeurs, un retour sur les racines russes de Carrère et une histoire d'amour. Si la première partie m'a touchée et si j'ai pris plaisir à découvrir cette Russie post-communiste, sans véritables repères, la pseudo romance m'a profondément agacée.
Lorsqu'il évoque son grand-père, géorgien d'origine, russe exilé en France pour cause d'aléas géopolitiques, Emmanuel Carrère parvient à trouver un ton juste. On sent la maturation de la réflexion sur un sujet sensible pour lui, mais aussi pour toute sa famille. Sa déception de ne pas parvenir à maîtriser la langue russe aussi bien qu'il le voudrait attire la sympathie du lecteur. On peut cependant regretter que l'enquête sur ces origines floues, sur la disparition étonnante du grand-père, ne soit pas poussée plus loin. Mais surtout, le plus horripilant reste le ton geignard que prend parfois le récit, quand le versant russe du texte est contaminé par l'histoire d'amour.
Plus que d'amour, ces pages évoquent davantage le désir et, quand les choses prennent une tournure moins plaisante, l'auto apitoiement larmoyant du narrateur-auteur. Sans jouer les prudes effarouchées, la crudité des propos laisse peu de part aux sentiments et se limite bien souvent aux questions de la chair. L'apogée de ce délire érotique est atteint avec une nouvelle que l'auteur présente comme une déclaration d'amour. J'avoue ne pas bien saisir ce que ces propos, qui frisent la vulgarité, ont à voir avec l'amour, ni d'ailleurs la fin du roman où l'auteur adopte une attitude d'un égoïsme infantile plus que crispant.
C'est une impression mi-figue mi-raisin que laisse ce texte. Il donne de l'auteur une image plutôt négative, et dans une grande partie du roman la brusquerie de la langue dessert son style. L'exhibitionnisme littéraire ne me séduit pas. Une fois le livre refermé, je n'ai pas eu envie d'aller plus avant dans la découverte des ouvrages d'Emmanuel Carrère. En revanche, je crois qu'il s'écoulera peu de temps avant que je ne me replonge dans les œuvres d'Hélène Carrère d'Encausse.
Un roman russe, Emmanuel Carrère, 2007.