Tête de chien
Asger est peintre et vit à Amsterdam. Il a choisi de s'éloigner d'une famille haute en couleurs pour se consacrer à son art. Mais sa grand-mère, Bjørk, se met à lui envoyer des cartes postales où elle renoue avec les récits dont elle l'abreuvait dans son enfance. Pressé par sa sœur et inquiet de ne pas revoir cette grand-mère vieillissante, Asger rentre au Danemark où il se fait fort de mettre de l'ordre dans toutes ces histoires familiales. S'enchaînent alors des récits qui mettent en scène trois générations de Norvégiens un peu étranges.
Tout commence avec le grand-père, Askild, brigand à ses heures perdues (ce qui lui vaut un passage dans les camps allemands dans les années 1940), passionné de cubisme, qu'il introduit allègrement dans son métier d'ingénieur naval, et fort porté sur la bouteille. Il décide d'épouser la fille d'un armateur, Bjørk, qui préfère le mauvais garçon caractériel au médecin transi d'amour pour elle. C'est le début d'une vie conjugale mouvementée, où les époux tombent sans cesse de Charybde en Scylla. Trois enfants naissent de cette union hasardeuse : Niels, aussi appelé Feuilles de chou, le fils qui a réussi, mais qui envoie tout balader la quarantaine venue ; Anne Katerine, surnommée la Merdeuse par ses neveux, une enfant attardée, adipeuse et cardiaque ; et enfin, le petit Knut, fugueur né, parti à l'aventure sur les mers du globe. Les maintes péripéties qui jalonnent la vie de ces personnages auraient amplement suffi au roman, mais comme on ne fait rien à moitié dans cette famille, il faut aussi compter avec les petits enfants, Stinne et Asger, un héros effrayé par un personnage qu'il nomme Tête de chien. Les déboires amoureux et professionnels des uns et des autres, les tracas d'enfants malmenés par leurs camarades et voisins, les fâcheries familiales, les déménagements à répétition, rien n'est épargné à cette tribu loufoque.
Morten Ramsland a pris le parti de ne pas respecter à la lettre la chronologie des événements, ce qui confère un certain dynamisme à l'intrigue. On s'attache progressivement à cette famille. Le ton est léger, parfois drôle : il rend moins dramatique un récit où les catastrophes sont plus nombreuses que les moments de joie. La dérision et l'ironie triomphent. On prend plaisir à suivre ces aventures, en se demandant quelle tuile va encore leur tomber sur la tête. Et quand vient la chute du roman, on n'est guère étonné que le destin se révèle de nouveau ingrat avec les héros. Mais on prend avec philosophie cette fin, comme si le fatalisme de cette famille hors du commun avait déteint sur le lecteur.
Cette lecture fort agréable a été possible grâce à l'opération Masse Critique menée par Babelio, en partenariat avec les éditions Gallimard.
Tête de chien, Morten Ramsland, 2005