Second roman
Après un premier succès littéraire, mitigé certes, Martin Grue se trouve confronté à l'épineux dilemme du second roman. Si le choix du récit initial s'est avéré évident – Martin évacue son expérience douloureuse de l'éducation sous la forme d'une satire bien sentie –, celui de l'œuvre à venir lui semble insoluble. Quand il a une idée, il ne parvient pas à la mettre en forme. Lorsque le travail sur la forme se dessine, c'est le sujet qui vient à manquer. Il faut dire que Martin n'est guère aidé par son entourage, entre un éditeur tour à tour encourageant et censeur, une tante à héritage partisane de l'allaitement devant l'éternel, une sœur à la grossesse exigeante et un ami neurobiologiste trop heureux de s'être trouvé un cobaye.
Si le thème du roman peut paraître banal, c'est avec une grande originalité que Markus Orths l'aborde. L'univers proposé est proprement absurde, les choix du personnage principal aboutissant inévitablement à des situations fort cocasses, et toujours critiques. En témoigne la réflexion qui le conduit à embrasser la carrière des lettres.
" (…) écrire, pensais-je, est en même temps ce qu'il y a de plus simple au monde, écrire, n'importe qui le peut, au plus tard à partir de notre première année d'école nous savons tous écrire, écrire est de tous les arts celui qui est à la portée de tout un chacun, écrire n'est d'ailleurs pas un art, écrire n'est pas un savoir-faire, écrire est une évidence et en réalité, n'avais-je pas toujours, au fond de mon cœur, voulu écrire ?"
L'auteur semble prendre plaisir à se moquer de son personnage – et de tous les écrivains en herbe –, à railler les dessous de l'industrie littéraire, ceux qui en vivent, mais aussi à éreinter quelques figures ordinaires de la vie quotidienne. Sa présentation des campagnes du WWF, quoique légèrement exagérée, n'en demeure pas moins drôle. Son propos fait rire, mais rire jaune, car il est mû par un cynisme incroyable. La candeur, ou la stupidité – on ne sait trop où est la limite dans son cas – du personnage principal est un ressort inépuisable de fantaisie. Le ton de l'ouvrage peut paraître déroutant, et il convient de se munir d'une bonne dose de second degré pour goûter l'humour de Markus Orths. Mais une fois entré dans le roman, on ne s'arrête qu'au sortir de l'épilogue. Second roman est une expérience littéraire fort divertissante.
Second roman, Markus Orths, 2009.