Saturne
Ils sont nombreux, en ce week-end printanier, à se rendre aux thermes de Saturne. Des couples d'amoureux, une famille ébranlée par la maladie du père, un détective privé à la pêche aux images adultères. Ils ne se connaissent pas, mais tous sont victimes de l'attentat qui a lieu dans le bassin le plus fréquenté des thermes. Trois femmes meurent, abattues de sang-froid. L'enquête échoit à la commissaire Simona Tavianello, qui, d'emblée, ne semble guère convaincue ni par l'hypothèse Al-Qaeda ni par la piste mafieuse. Les soutiens affluent de toutes parts. Un ancien collègue, habitué à résoudre les enquêtes pendant son sommeil. Le détective Rottheimer, présent aux thermes, qui se trouve engagé à la fois par les victimes réunies dans le comité Vérité et Justice et, plus surprenant, par le tueur lui-même, soucieux de mettre la main sur ses commanditaires. Toutes ces forces assemblées ne sont pas de trop pour faire émerger la vérité dans cette affaire politiquement peu correcte.
Dès les premières pages du roman, l'intrigue révèle sa complexité, en raison de la multitude de personnages qui y jouent un rôle, de la succession des points de vue. Pourtant, on se laisse embarquer aisément. Il règne une atmosphère plaisante, et ce en dépit de situations parfois dérangeantes. Les descriptions de Rome et de ses environs ajoutent une touche d'exotisme bien venue pour le lecteur français, a fortiori s'il apprécie l'Italie. Les personnages, même les plus désagréables et manipulateurs, sont bien campés. On aurait pu craindre que les "méchants" ne donnent dans la caricature, toutefois l'exposé de leurs motivations souligne leurs paradoxes, et l'on en viendrait presque à les plaindre. Il n'est jusqu'aux victimes qui se laissent tenter par la vengeance et trempent dans des combines un peu louches. La commissaire n'est pas une super-woman, et elle n'en est que plus intéressante. L'intrigue se construit autour de ces personnalités variées, de leur rencontre forcée lors d'un attentat. On plonge progressivement dans des méandres de plus en plus complexes, où les autorités politiques, policières et financières ne sont pas épargnées, où les intérêts privés entrent en conflit avec l'intérêt général. Et puis vient le dénouement, terriblement frustrant. Des morts, encore, des abandons, des renoncements, qui donnent une impression de résolution à la va-vite de tout ce qui a été échafaudé jusqu'à lors. On reste d'autant sur sa faim que le corps du roman est plaisant à lire et particulièrement captivant.
Saturne, Serge Quadruppani, 2010.
Merci aux éditions du Masque qui ont permis cette lecture dans le cadre de l'opération "Masse Critique" de Babelio.