Ma vie de geisha
Lors de la publication de mon billet sur Geisha, le roman publié par Arthur Golden en 1997, certaines bloggeuses m'ont conseillé non seulement de visionner son adaptation cinématographique mais aussi de me pencher sur les mémoires de Mineko Iwasaki. Si j'ai rapidement vu le film – qui est parvenu à me séduire en raison de son assez grande fidélité au roman -, il m'a fallu davantage de temps pour me plonger dans Geisha, A Life. Un délai que je ne peux que regretter.
Ses mémoires, Mineko Iwasaki les a écrites, avec l'aide de Rande Brown, en réaction à la publication du roman de Golden. Brisant une des règles du monde des fleurs et des saules, elle s'est en effet confiée au romancier qui a eu la maladresse de la citer dans ses sources. L'interprétation de ces confidences, destinée à rendre plus dramatique l'intrigue, dénature, aux yeux de la geisha, ses propos. Elle décide, en réponse à la trahison de l'auteur, de rédiger ses propres mémoires pour rétablir la vérité.
Ses souvenirs remontent jusqu'à son enfance, dans les années 1950, alors qu'elle n'est alors que Masako Tanaka. Pour comprendre comment elle est entrée dans le monde des fleurs et des saules, il est en effet nécessaire de rappeler les origines familiales de la jeune femme. C'est à la fois pour défendre l'honneur de sa famille et par choix, que Masako rejoint l'okiya Iwasaki, dont elle devient l'héritière. Vient ensuite la période d'apprentissage, au cœur du quartier de Gion. Devenue maiko (apprentie geisha), elle prend le nom de Mineko. Rien ne lui importe plus que d'être reconnue comme une des meilleures, en particulier dans son domaine de prédilection, la danse. Et arrive, avec le statut de geiko, la consécration. Mais les pesanteurs de la tradition et les évolutions sociales mènent Mineko à lutter pour que changent les conditions de vie et de travail des geishas.
A la lecture de cet ouvrage, il apparaît aisément que son auteur a aimé exercer le métier de geiko, qu'elle a pris plaisir à travailler sans relâche la danse mais aussi ses connaissances dans divers domaines, en particulier artistiques, afin de remplir au mieux son rôle. Elle semble investie d'une mission, celle de faire découvrir et de transmettre une culture japonaise traditionnelle. Certes, son propos manque parfois d'humilité, mais il est manifeste qu'elle a fondé d'immenses espoirs dans sa profession. Déçue par le manque d'égards de l'administration de Gion pour ses geikos, et surtout par l'impossibilité de les libérer des archaïsmes, elle tourne la page. Mais elle parvient ici à continuer son œuvre en faisant découvrir les coulisses d'un univers mystérieux, et finalement un brin malmené par Arthur Golden qui n'est pas tout à fait parvenu à éviter les clichés.
A la suite de cette lecture, je me suis penchée sur l'ouvrage de Robert Guillain, Les Geishas, que vient de rééditer la maison Arléa. A la fin des années 1980, ce journaliste français qui a passé une grande partie de sa vie à Tokyo, s'efforce de décrire du mieux qu'il le peut le monde des geishas. Entre expériences personnelles de soirées animées par des geishas et témoignages de celles qui ont parfois osé lui parler, des années 1930 aux années 1970, de Tokyo à Kyoto, il cherche à comprendre ce que sont ces femmes, ce qu'elles représentent dans la société nippone, et s'interroge sur leur avenir. Il pose les questions auxquelles Mineko Iwasaki répond dans ses mémoires. Il ajoute néanmoins un élément essentiel, le regard de l'Occidental sur cet univers qui n'a aucun équivalent en Europe.
Ces deux ouvrages se complètent. Ils m'ont permis de me faire une idée plus nette de ce que sont les geishas, même si les interrogations restent nombreuses. Il est plus que probable que d'autres lectures sur le sujet suivront, à commencer par les mémoires de Yuki Inoué.
Ma vie de geisha, Mineko Iwasaki, 2002.
Les Geishas, Robert Guillain, 1988.