Le pont flottant des songes
Parvenu à l'âge adulte, Tadasu revient sur son enfance auprès de ses deux mères. Ses souvenirs sont flous. Son père s'est en effet efforcé de confondre les deux femmes dans l'esprit du jeune garçon. Non seulement la ressemblance physique est frappante, mais il choisit de les nommer toutes deux "Chinu" et renouvelle avec la seconde des situations vécues avec la première. Les relations de Tadasu avec sa belle-mère en deviennent ambiguës, surtout après la mort du père de famille. Le passé se dévoile, ainsi que les rumeurs.
Dans ce très court roman, dont le titre fait référence au dernier livre du Dit du Genji, les femmes sont à l'honneur. Tanizaki propose un portrait de mère, et d'épouse, prête à tout pour le bonheur du fils. Tadasu découvre progressivement à quelles contraintes sont soumises les jeunes filles, dans le cadre de la famille paternelle, puis dans celle de l'époux. Il pose sur les pratiques traditionnelles et les craintes ancestrales un regard éberlué, ce qui le pousse à rompre avec les habitudes. Il défend finalement la liberté et le choix de l'individu dans une société où le groupe doit primer.
Au-delà du propos de l'auteur sur la famille et la maternité, le lecteur trouve grand plaisir aux moult références faites à la littérature traditionnelle japonaise, aux mentions du quotidien d'une famille aisée pendant l'ère Meiji. Une belle immersion dans la culture nippone pour achever le challenge In the Mood for Japan.
Le pont flottant des songes, Junichirô Tanizaki, 1959.