Le Livre sans nom
Bienvenue à Santa Mondega ! Son musée, ses bars – en particulier le Tapioca, tenu par Sanchez – ses éclipses solaires tous les cinq ans, sa Fête de la Lune, sa bibliothèque et son Livre sans nom ni auteur, sans oublier ses statistiques criminelles ahurissantes. Dans cette petite bourgade américaine ont élu domicile une foule de personnages hors du commun. D'aucuns pensent même qu'il s'agit de la ville favorite des créatures malfaisantes, du style vampires, loups-garous et autre Seigneur des Ténèbres (himself !). Ainsi s'explique l'arrivée en ville d'un policier peu ordinaire, Miles Jensen, spécialiste ès criminels surnaturels. C'est sous le prétexte de résoudre une série de crimes particulièrement violents (les yeux et la langue des victimes ont été arrachés) que Jensen s'installe à Santa Mondega, mais il est chargé d'une mission peu orthodoxe : mettre la main sur le Seigneur des Ténèbres. Au même moment font irruption dans la ville deux moines d'Hubal. Kyle et Peto sont eux aussi investis d'une mission, à savoir retrouver l'Œil de la lune, une pierre précieuse dotée de grands pouvoirs, et dérobée peu de temps auparavant à leur confrérie. Pour parachever cette belle réunion, le Bourbon Kid fait son retour cinq ans après avoir commis un massacre qui a marqué les esprits. Tout ce petit monde est rassemblé à quelques jours de l'éclipse et de la Fête de la Lune. Entre menaces, bagarres, jeux de dupes, entourloupes et vols, les très nombreux protagonistes de cette histoire se croisent et apportent tous – parfois sans en être conscients – leur contribution à l'enquête qui doit, entre autres, établir le rôle et l'identité du Bourbon Kid.
L'intrigue de ce roman est diablement foisonnante, peuplée d'une multitude de personnages aussi invraisemblables que les situations dans lesquelles ils se retrouvent. On se trouve jeté dans un univers décalé, parfois totalement déjanté, qui ne manque pas de rappeler – agréablement – celui de films comme Une nuit en enfer ou Vampires, de Carpenter, mais encore des séries télévisées façon Buffy contre les Vampires. Les séquences humoristiques alternent avec des passages plus pompeux, qui se veulent souvent dramatiques. On passe sans cesse du point de vue d'un personnage à celui d'un autre, ce qui évite l'ennui mais suscite inévitablement un manque de cohérence et, de temps à autre, des longueurs. Le style lui même manque d'unité. C'est un étrange mélange de familiarité, d'ironie, de grandiloquence, de maladresses. Au milieu de cette joyeuse mêlée surgit soudain une référence cinématographique, un bon mot. Dire que cet ensemble hétéroclite est un bon roman serait sans doute excessif. Cependant on passe un bon moment dès lors qu'on a pris son parti des disparités de ton et de style, de l'invraisemblance absolue de cet univers bricolé à coup de souvenirs littéro-cinématographiques. Pour ceux qui chercheraient à se faire peur, ce roman ne peut être qu'une déception : l'absurdité qui y règne ne laisse guère de place à l'angoisse.
Le Livre sans nom, 2007.