Le coeur cousu
De l'ombre des oliveraies espagnoles aux franges d'un désert africain, la famille Carasco traîne avec elle d'extraordinaires histoires. Soledad, dernière née de la fratrie, s'emploie à jeter sur le papier les mille et une aventures de sa mère. Adolescente, puis épouse et mère, Frasquita traverse une vie tumultueuse, où, toujours, le salut vient de son talent de couturière, mâtiné de magie. Elle compose avec un mari qui tantôt se prend pour un coq, tantôt se passionne pour les combats de gallinacées. Jouée et perdue par ce même homme, elle fuit sur les chemins andalous, sa marmaille accrochée à ses jupes. Les enfants eux-mêmes ne manquent pas de singularité. Aux filles reviennent des caractères bien distincts, auxquels s'accordent des talents aussi surnaturels que celui de la mère. Au fils fut donnée une chevelure rouge et un besoin irrépressible de dessiner. Partout où elle passe, cette tribu suscite admiration et crainte. Au lecteur de se lancer à sa suite, porté par le récit de Soledad.
Une fois encore, moult bonnes critiques, de blogueuses en particulier, ont fait atterrir ce roman dans ma PAL. L'espoir d'une lecture agréable n'en était donc que plus grand. Or, si j'ai pris plaisir à découvrir Le cœur cousu, l'émerveillement ne fut pas exactement au rendez-vous. La trame du récit est captivante, si l'on excepte certains passages un peu longuets. Les tribulations de la famille Carasco aux côtés des révolutionnaires qui embrasent les campagnes andalouses m'ont parues être une parenthèse dispensable, ou tout du moins réductible. A ce moment, le propos semble moins dense, donne l'impression d'être tombé dans le creux du roman. Quant au personnage d'Eugenio, dit l'ogre, il paraît n'être présent que pour donner du sens à Martirio. Les péripéties matrimoniales de Clara sont répétitives, elles aussi. Il est manifeste que c'est le personnage central de Frasquita qui donne tout son sens au roman. Dès lors qu'elle est laissée dans l'ombre ou qu'elle disparaît, le rythme de l'intrigue en pâtit. Me voici donc partagée au sortir de cette lecture, entre un enthousiasme véritable pour certains passages et une déception pour d'autres. S'il est cependant un élément qui, tout au long de la lecture, ne m'a jamais déçue, c'est le style de l'auteur. La simplicité fantasque qui caractérise ce texte parvient à séduire, même dans les moments où l'intrigue s'essouffle un peu. Elle donne du relief à un univers où la rudesse du quotidien côtoie le merveilleux. Ainsi séduite par la plume de Carole Martinez, je suis curieuse de découvrir Du domaine des murmures, récompensé par le prix Goncourt des lycéens.
Le cœur cousu, Carole Martinez, 2007.