Journal d'une année noire
Dans son appartement du rez-de-chaussée, l'écrivain de renom J.C., travaille avec ardeur sur un nouveau projet. Comme cinq autres auteurs, il doit livrer ses opinions personnelles sur des sujets divers, offrant ainsi sa vision du monde contemporain. Affaibli par la maladie, il profite d'une rencontre fortuite devant les laves-linge pour demander son aide à la jolie jeune femme du vingt-cinquième étage. Un peu désoeuvrée, Anya, puisque tel est le nom de cette beauté des Philippines, accepte de devenir la dactylo de l'écrivain vieillissant. Elle ne peut s'empêcher de donner son avis sur les textes, ni même d'en discuter avec son compagnon, un homme d'affaires peu scrupuleux. Et ainsi se construit ce récit à trois voix.
Ce qui trouble de prime abord dans cette lecture, c'est la division de la page en trois parties, présentant chacune un point de vue. Se côtoient ainsi les textes de J.C., ses impressions sur sa relation avec Anya et le récit d'Anya elle-même. On ne sait guère comment s'y prendre, et puis on apprend à jongler avec ces trois textes en parallèle, avançant rapidement dans l'un d'eux, pour revenir en arrière et découvrir ce que nous réserve l'autre.
Les opinions de J.C. sont d'abord des textes très construits, argumentés, quoiqu'exprimant souvent un avis bien tranché, un tantinet caricatural, sur des sujets ausi variés que la démocratie, la politique d'immigration en Australie, les évolutions de la langue anglaise ou la musique. Et puis, derrière cette rigueur, se dessine l'homme fatigué par les ans et la maladie, celui qui rêve et qui doute, celui qui se livre dans ce qu'Anya nomme ses opinions adoucies. En contrepoint, le regard de la jeune femme s'affirme. Elle se nourrit de ces textes et des discussions avec son cher Alan. Peu à peu, son personnage s'étoffe, fait preuve de plus d'audace et d'assurance face aux deux hommes. On oublie très vite la construction originale du roman pour se laisser prendre par le récit, et son dénouement assez inattendu.
Une lecture prometteuse, qui donne envie de s'aventurer davantage dans la bibliographie de l'auteur. Une lecture à aborder néanmoins à tête reposée, pour ne pas s'emberlificoter.
Journal d'une année noire, J.M. Coetzee, 2007 .