Freedom
Walter et Patty se sont rencontrés à l'université, dans le Minnesota. Leurs origines sociales différentes, leurs centres d'intérêt divergents, des projets d'avenir difficilement compatibles, rien ne laissait présager que ces deux là puissent durablement vivre ensemble. Pourtant, ils se marient et fondent un foyer, heureux en apparence. Leurs anciens voisins sont donc étonnés d'apprendre, grâce à la presse, que Walter est à l'origine d'un scandale à même de ruiner sa carrière. Les Berglund ont certes toujours paru étranges, mais ils sont parvenus à faire illusion. Une plongée dans l'histoire familiale, parcourant une trentaine d'années et mettant en scène trois générations, permet de mieux comprendre le couple.
L'auteur propose ici de découvrir la genèse, puis la dissolution, d'une famille américaine comme il en existe tant. Ce faisant, il s'efforce de saisir l'arrière-plan historique, politique et social des époques que ses personnages traversent, des années 1970 à 2010. Aucune étape de la vie d'un Américain moyen ne nous est épargnée : les petits malheurs de l'enfance (plus ou moins protégée, selon les personnages), l'apprentissage de la vie à l'université (les sportifs, les artistes et les intellectuels incompris sont tous bien présents, ainsi que les aléas de la colocation et la drogue), la fondation d'un foyer, les affres de la parentalité, les doutes et les tentations de l'âge mûr, le regard pesant du voisinage, les complexes face aux parents – qui finissent d'ailleurs par mourir en laissant derrière eux les querelles fraternelles – rien n'a été oublié. Cela pourrait être passionnant si tous ces éléments n'avaient pas été mis en mots ou en images dans nombre d'œuvres antérieures.
Les personnages paraissent tout d'abord attachants, en particulier Patty et Walter, mais ils finissent par devenir crispants à force d'indécision et d'atermoiements. Les doutes de Patty sont le cœur de l'intrigue, car c'est sur un coup de tête qu'elle se jette au cou d'un Walter qu'elle n'aime pas vraiment. Elle a conscience que ses choix contestables peuvent être à l'origine de sa détresse, ce qu'elle nomme "Pattyland. Le pays des erreurs". Et progressivement ces hésitations s'étendent à l'ensemble des personnages du roman. Richard, l'ami de Walter, le musicien que Patty regrette (peut-être) de n'avoir pas épousé, fuit le succès quand il le rencontre enfin. Joey, le fils indépendant, se demande s'il doit ou non épouser sa petite amie du lycée, s'il lui faut dénoncer l'arnaque dont il a profité. Jessica, la fille brillante et sage, s'interroge sur le sens à donner à sa carrière. Et Walter, enfin, celui qui était certain d'avoir épousé la femme idéale, est rattrapé par les sentiments qu'éveillent en lui son assistante. Sur le chemin jalonné d'incertitudes qu'empruntent les protagonistes du roman se profilent des poncifs dont on se serait bien passé, comme l'inévitable triangle amoureux ou la figure de l'artiste underground.
On prendrait sans doute bien plus de plaisir à cette lecture si elle n'était aussi longue. Certains dialogues sont extrêmement lents, quasi poussifs. Des détails de la vie passée et présente des personnages surgissent à chaque page, submergeant l'intrigue. Certes les points de vue changent et les époques s'entremêlent, mais le style n'en reste pas moins d'une neutralité désolante. Le texte manque de reliefs auxquels s'accrocher pour poursuivre la lecture.
Freedom est un de ces romans désespérément américains qui affolent la critique outre-Atlantique, mais dénué d'intérêt véritable pour la lectrice européenne que je suis. L'accumulation de thèmes rebattus, la prétendue indignation politique, la plume aseptisée ne pouvaient me séduire.
Je remercie PriceMinister qui, dans le cadre des Matches de la Rentrée littéraire, m'a permis de me forger une opinion sur ce roman accueilli avec succès aux Etats-Unis.
Freedom, Jonathan Franzen, 2011.