Et mon coeur transparent
Apprendre la mort de son épouse n'est jamais facile. Mais découvrir par la même occasion que celle-ci lui a caché de nombreux pans de sa vie ébranle fortement Lancelot. Questionné par la police sur les étranges circonstances du décès, informé par une drôle d'agent immobilier que sa chère Irina visitait des maisons sous une identité légèrement falsifiée, visité par un homme qui se prétend son beau-père, Lancelot perd un peu pied. Quand surgit, dans ce malstrom, un nom connu, il n'hésite pas à traverser le pays pour lui demander des comptes et faire la lumière sur celle qu'il aimait sans vraiment la connaître.
La trame de ce roman peut faire penser à celle d'un roman policier, pourtant Lancelot ne mène pas vraiment d'enquête. Il se laisse aller au gré des informations qui arrivent jusqu'à lui, parfois par hasard. Il ne prend guère de décisions, car sa nature ne l'y incline guère. S'il semble d'une naïveté confondante – pour n'avoir rien perçu de la double activité d'Irina, par exemple –, Lancelot est un personnage sympathique, dont les pérégrinations sont plaisantes à suivre. Certes demeure à l'esprit du lecteur la volonté de connaître les raisons de la disparition d'Irina. Mais ce n'est cependant pas ce qui pousse à poursuivre cette lecture. On s'inquiète pour Lancelot, on le voit se confronter à une réalité qu'il est capable d'ignorer quand il le souhaite, se concentrant sur les petits plaisirs du quotidien. Ce personnage paraît vivre dans un univers qui lui est propre, où les objets, dès que la situation se corse un peu, "triangulent Bermudes". Il y a une part d'absurde dans l'appréhension du monde par Lancelot. Et cette vision décalée de la réalité donne un ton particulier au roman, à mi-chemin entre l'étrange et le merveilleux. Le style très fluide et naturel de l'auteur facilite l'immersion dans une intrigue qui tend parfois vers le loufoque. Observer le monde par les yeux candides de Lancelot permet aussi de rendre moins moraliste le discours écologiste qui sous-tend le propos général de l'intrigue, d'autant plus quand est élucidée la mort d'Irina.
Une bien belle lecture commune réalisée avec Lili Galipette et Anne.
Et mon cœur transparent, Véronique Ovaldé, 2008.