Du domaine des Murmures
Après une longue pause forcée, la lecture est de retour dans ce salon. Si je trouve encore le temps de me plonger dans les livres, notamment à la faveur des voyages en transports en commun, ces dernières semaines ont été peu propices pour l'activité bloguesque. Pour cette reprise, j'ai choisi un coup de cœur, le dernier roman de Carole Martinez.
Dans les replis du comté de Bourgogne, en ce XIIe siècle finissant, se tient le domaine des Murmures. Le château se dresse sur les rives de la Loue et abrite en son sein la cellule d'Esclarmonde. Fille du maître des lieux, elle a choisi, pour échapper à l'hymen qu'on lui imposait, de vivre en recluse, liée au monde extérieur par une fenestrelle. Elle n'a qu'un souhait, celui de vouer son existence à la religion. Mais c'était sans compter les réactions passionnées de son entourage et une naissance pour le moins inattendue. Loin de pouvoir se replier sur une vie intérieure, Esclarmonde se trouve exposée à l'attention de tous, jetée malgré elle sur les chemins de la troisième croisade.
Plusieurs semaines après l'avoir refermé, ce roman continue d'occuper mon esprit (ce qui est fort commode pour rédiger ce billet). L'intrigue et ses personnages, autant que les impressions qui s'en dégagent, demeurent d'une clarté propre aux seuls coups de cœur. Et, comme souvent dans ce cas de figure, il est difficile d'expliquer quels détails, quels passages ont particulièrement plu. Il est bien plus aisé d'argumenter une critique négative, que de construire une louange.
Pour inviter à la lecture de cette pépite, il est indispensable d'évoquer l'atmosphère dans laquelle baigne le roman. Le choix de l'héroïne laisse une large place à la religion, présentée sous un jour plus spirituel que clérical. Les premiers jours de réclusion, comme l'évocation de la croisade, associent expérience mystique et souffrance physique. Le corps et l'esprit restent indissociables, évoqués avec une même poésie. Le ton et le style rappellent une littérature courtoise, d'où cependant candeur et mièvrerie seraient absentes. L'amour et le sacrifice sont ceux d'une mère qui a renoncé à son chevalier, devenu preux trop tardivement. Une place est par ailleurs réservée aux superstitions qui peuplent les récits médiévaux.
J'ai, de loin, préféré cette œuvre de Carole Martinez au Cœur cousu, qui ne m'avait qu'à moitié plu. La toile de fond historique et la tonalité du récit ont davantage su me charmer. Mille mercis à Mélanie qui, après m'avoir fait couiner devant mes collègues en proposant de me prêter ce roman, m'a fait passer un magnifique moment de lecture.
Du domaine des Murmures, Carole Martinez, 2011.