b.a.-ba la vie sans savoir lire
Sur un quasi coup de tête, l'auteur propose ses services à une association qui dispense des cours d'alphabétisation. Quand vient l'heure du face à face avec les élèves, surgissent doutes et interrogations. On a beau maîtriser la langue française, se souvenir de ses premiers pas de lecteur ou avoir ponctuellement aidé des enfants de son entourage, apprendre à lire à des adultes est un défi de taille. Le bon sens ne suffit pas toujours. Il faut savoir s'adapter aux particularités des "apprenants", se remettre en cause, écouter les conseils - même ceux du Grand Pédagogue, Bernard Gillardin.
Bertrand Guillot propose, ainsi qu'il le nomme lui-même, une forme de non-fiction novel. Il s'appuie en effet sur son expérience de bénévole, tout en reconnaissant qu'il a pris quelques libertés avec la chronologie ou les personnages secondaires, afin de rendre son ouvrage plus cohérent. L'ensemble se révèle à la fois intéressant par son propos et captivant grâce au suspens lié aux progrès des élèves. Les descriptions des exercices et les difficultés rencontrées alternent avec des réflexions plus générales sur la question de l'analphabétisme, sur les moyens de lutter contre lui ou sur la vie de ces migrants qui peinent à trouver leur place dans la société française. Dans ce texte, point de faux-semblants ou de grandes théories. Le pragmatisme domine, et les outils les plus précieux pour les bénévoles demeurent leur enthousiasme et leur bon sens.
Cette lecture laisse une impression mitigée. On ne peut que saluer le travail, à la fois d'enseignant et d'auteur qui partage son expérience, de Bertrand Guillot. Il parvient à susciter l'espoir, en montrant les progrès de ces hommes et de ces femmes qui viennent apprendre le français. Toutefois on peut regretter l'apparition ponctuelle de poncifs sur l'état de la société, oscillant entre un ton dramatique ou donneur de leçon. Le genre auquel ressortit ce livre permet d'en faire deux lectures, une où l'on se laisse happer par les portraits des protagonistes et l'autre où l'on se concentre sur le récit de l'expérience enseignante. Pour ma part, c'est la seconde qui m'a le plus séduite.
b.a. - ba ; la vie sans savoir lire, Bertrand Guillot, 2010.