Les brumes du passé
Voici déjà la quatrième lecture pour le défi des 12 d'Ys. Et, ce mois-ci, ce fut à nouveau une belle découverte, avec un auteur latino-américain.
Au hasard d'une tournée dédiée à la recherche de livres rares, Mario Condé se retrouve face à une bibliothèque pour laquelle bien des amateurs se damneraient. D'une honnêteté à toute épreuve, il décide, en accord avec son associé en commerce bibliophile, de laisser dans leur écrin les trésors du lieu, pour ne vendre que des ouvrages plus courants, quoique de valeur. En guise de récompense, le Condé se réserve un livre de recettes capables de rassasier à leur simple lecture. Entre les pages de cette bible culinaire se cache une coupure de presse en l'honneur d'une chanteuse des années 1950, surnommée la "Dame de la Nuit". Se laissant aller autant à son instinct qu'à ses réflexes d'ancien policier, Mario Condé décide d'en apprendre davantage sur cette femme. Il ne se doute pas qu'en remuant les brumes du passé, il se jette la tête la première dans une affaire des plus troubles.
De la littérature cubaine, je ne connaissais guère que Zoé Valdès. Quelle erreur ! Combien de petits trésors comme Les brumes du passé recèle la bibliographie de Leonardo Padura ? L'atmosphère du roman, qui mêle les descriptions de la vie contemporaine des Cubains aux évocations de glorieuses années 1950, aux accents glorieux et révolutionnaires, est un de ses atouts essentiels. Point de misérabilisme ni de nostalgie à outrance dans ces descriptions. Malgré la noirceur de certains passages, l'optimisme, mâtiné de fatalisme, du personnage principal donne un ton désabusé au propos. Il aime son île en dépit de ses défauts, et le regard qu'il porte sur elle la rend sympathique au lecteur. Les références historiques comme bibliographiques piquent la curiosité, à mesure que l'intrigue se déroule, sans précipitations ni rebondissements inutiles. On déguste chaque page, et l'envie nous prend d'un café quand Mario Condé savoure le sien. Plus qu'un simple roman policier, c'est une exploration de la société et de l'histoire cubaines que propose Leonardo Padura. On en redemande ! Merci, Ys, pour ce défi qui, cette fois encore, ouvre de nouvelles perspectives de lecture.
Les brumes du passé, Leonardo Padura, 2005.
Une lecture à ajouter au défi S.T.A.R., of course.