La fille qui voulait être Jane Austen
Le succès dont jouit Jane Austen auprès d'un public essentiellement féminin m'intrigue depuis quelques temps déjà. Loin d'être hostile à la lecture des classiques (j'apprécie Zola, Proust et même Balzac), j'avoue que les romans de Jane Austen n'opèrent pas vraiment de charme sur moi. Pour tenter de mettre le doigt sur ce qui fait tant rêver, j'essaie de me pencher sur ce qu'il convient de nommer la littérature para-austenienne. Trouvé d'occasion dans le rayons des littératures adolescentes, ce roman a été lu en un clin d'œil, accompagné de plusieurs litres de thé.
Dans la charmante bourgade de Byzance, Julia est une adolescente éprise des œuvres de Jane Austen. Elle décide de faire partager son intérêt à sa meilleure amie et voisine (c'est si commode). Ashleigh est non seulement convaincue par cette lecture, mais elle en fait sa nouvelle obsession. Le choix de ses vêtements comme sa manière de parler s'inspirent désormais de l'univers austenien. Elle se met par ailleurs en tête de trouver le Mr. Darcy de ses rêves. Julia est entraînée dans le tourbillon créé par Ashleigh. Les deux adolescentes parviennent ainsi à assister au bal d'une école privée pour garçons, où elles font la connaissance de charmants jeunes hommes qu'Ashleigh n'a dès lors de cesse de séduire.
A mesure que l'intrigue se déroulait, je m'étonnais du titre français choisi pour ce roman. Aucune des deux adolescentes, et encore moins la narratrice, ne souhaite devenir Jane Austen : elles s'identifient davantage à ses héroïnes. Enthusiasm, le titre original, reflète bien mieux le propos du roman. C'est en effet l'énergie et l'enthousiasme dont fait preuve Ashleigh qui donne son ressort au récit : jamais cette jeune demoiselle ne renonce, ni lorsqu'il est question de s'introduire clandestinement dans un bal, ni quand il faut prendre part à une comédie musicale pour se rapprocher de l'élu de son cœur, et encore moins s'il faut venir à la rescousse de ses amis. La narratrice fait pâle figure à côté, empêtrée qu'elle est dans ses histoires familiales et ses peines de cœur. Rassurons-nous, il s'agit d'un roman pour adolescentes fleur bleue : tout se dénoue sur un magnifique happy end.
Jane Austen n'est finalement qu'un prétexte (d'où l'emploi de son nom dans le titre français) pour écrire une bluette supplémentaire à destination des adolescentes. Il est dommage que les clichés tiennent le devant de la scène, et que les péripéties soient fort convenues. Je m'attendais à davantage de références à l'œuvre de Jane Austen (comme c'était le cas dans Les sœurs Dashwood, destiné au même public). Et si je n'ai pas été très convaincue par cette lecture, elle a eu le bénéfice de me convaincre de tenter à nouveau l'expérience du texte original, en espérant qu'il soit moins mièvre que ce pâle roman.
La fille qui voulait être Jane Austen, Polly Shulman, 2006.